Le 16 mai 2011

Géopolitique

L'Iran : le fardeau de la superpuissance chiite!

Sami Aoun, professeur de science politique

À son 29e anniversaire de la révolution islamique chiite, l'Iran est déjà un acteur incontournable du Grand Moyen-Orient. Ce pays s'est érigé en superpuissance et joue sur la nostalgie impériale persane, tout en promettant le renforcement de l'identité chiite, minoritaire en Islam. Ses objectifs révolutionnaires : renouer avec la gloire des chahs et poursuivre sa consolidation en tant que seul État chiite sous les commandes du pouvoir religieux du wilayet el fequih.

Dans l'après-11 septembre, l'Iran est sortie la principale gagnante de la fin des deux régimes sunnites; celui des talibans et celui de Saddam Hussein. En un sens, les Américains ont fait le jeu du régime iranien. «Dorénavant, le Grand Moyen-Orient ne sera pas américain mais islamique», scandent les mollahs qui adoptent ainsi une stratégie de défense et d'affrontement.

Le régime iranien se radicalise, préoccupé par le fait qu'il figure dans le point de mire américain, au sein de l'axe du mal. Mahmoud Ahmadi Najad mettra fin à une période consacrée à la raison d'État, au dialogue des civilisations et au bon voisinage.

L'Iran : droit de veto sur la paix américaine!

Najad se livre à un discours coloré et populiste, surtout truffé de surenchères. Nier l'Holocauste, fustiger Israël, prévoir sa destruction imminente et critiquer la modération des pouvoirs arabes sont ses discours fréquents. Pour obtenir le rejet des plans de paix, il offre son aide aux mouvements militants sunnites (le Hamas et le Jihad) et aux chiites (le Hezbollah ou encore les rebelles irakiens). Le président iranien consolide ainsi le statut de son pays, déjà fortifié par une manne pétrolière sans précédent. En somme, il le dote de cartes de négociations précieuses.

Pendant ce temps, les élites iraniennes suscitent l'admiration et réussissent de brillantes percées scientifiques et technologiques, militaires et civiles, tout en poursuivant le rêve d'obtenir le statut de puissance militaire nucléaire.

La fragilité de l'empire fait peur!

Mais l'Iran doit aussi composer avec ses propres agitateurs. Son appui aux chiites, de la mer Caspienne à la Méditerranée en couvrant l'espace arabe, a été perçu comme une tentative de former un «croissant chiite» qui fragiliserait les États sunnites. Ses appels pour rattacher l'un d'eux, le Bahreïn, ou pour fomenter des troubles sectaires dans d'autres (le Koweït, le Yémen, le Liban) sont mal reçus.

Par-dessus tout, le régime iranien cache mal son inquiétude au sujet des sanctions. Celles-ci feraient mal à un État iranien peinturé en paria. De leur côté, les Israéliens, angoissés par l'éventuelle bombe iranienne, pourraient effectuer une frappe nucléaire en Iran. La rhétorique provocatrice de Najad pourrait se révéler coûteuse! Ses critiques chez lui, à Téhéran, le disent haut et fort!

D'ici là, des tactiques de déstabilisation de la mosaïque iranienne seront mises en branle, comme celles d'attiser les divergences entre les Persans et les Azéris (chiites) ou les Baloutches (sunnites) ou les Arabes (chiites dans le Khouzistan) ou les Kurdes (sunnites). Une autre source d'inquiétude, quoique relative et limitée, pour le régime iranien.

L'Iran est loin de faire l'unanimité au sein des peuples arabes. L'offensive de charme du président Najad n'a pas porté ses fruits auprès d'eux, surtout auprès des sunnites : ils continuent pour la plupart d'espérer la protection des Américains! Et que dire du déploiement de l'OTAN en Turquie et en Asie centrale. De toute évidence, ce n'est pas rassurant pour l'aventurière Iran!

Cette fragilité géopolitique iranienne se dessine sur fond de crise politique et économique difficilement justifiable à l'heure des dividendes du pétrole. Les débats qui ont précédé les élections du 14 mars et les résultats de celles-ci l'ont révélé au grand jour.

En disqualifiant quelque 2000 candidats, et même s'il n'emportera pas la décision dans les dossiers chauds, le nouveau Majlis est toujours dominé par les conservateurs. Ces derniers, sujets à des luttes d'influence intestines, seront critiques à l'égard de la politique économique du président Najad (19 % d'inflation). Sans donner un aperçu objectif de la volonté populaire, le Parlement est une autre preuve de la survie du régime iranien tenu sans partage par le guide suprême Ali Khamenei et la Garde révolutionnaire.

Guerre improbable ou paix impossible?

D'ici 2009, le bras de fer qui se jouera entre l'Iran et les États-Unis demeurera sous le signe de Mars! Il reste un peu d'espoir que de nouveaux dirigeants, dans les deux capitales, scellent un compromis historique, un retour aux bons vieux jours de l'alliance irano-américaine! Des voix, à Washington entre autres, font l'éloge du compromis et du partage d'influence. Si on les écoute, la paix, même froide, a une chance. Si on les ignore, la mèche est prête pour le grand feu!